Les centres de traitement des eaux usées (CTEU) constituent des environnements de travail particuliers où les risques d'exposition aux bioaérosols sont significatifs. Cet article explore en profondeur les dangers associés à cette exposition, les mécanismes de contamination, les effets sur la santé des travailleurs et les mesures préventives nécessaires pour protéger ce personnel essentiel.
Le traitement des eaux usées représente un pilier fondamental de la santé publique moderne. Ces installations traitent quotidiennement d'importants volumes d'effluents contenant une multitude de substances et microorganismes potentiellement nocifs. Parmi les risques professionnels associés à ces environnements, l'exposition aux bioaérosols constitue une préoccupation majeure souvent sous-estimée.
Les bioaérosols sont des particules aéroportées d'origine biologique qui peuvent contenir des bactéries, virus, endotoxines et autres composants microbiens. Dans les CTEU, ces particules sont générées lors des différentes étapes du traitement et peuvent demeurer en suspension dans l'air pendant plusieurs heures. En climat nordique comme au Québec, la situation est particulièrement préoccupante car de nombreuses étapes de traitement sont réalisées dans des installations intérieures pour améliorer l'efficacité du processus, augmentant potentiellement la concentration des bioaérosols et l'exposition des travailleurs.
La composition des bioaérosols dans les centres de traitement des eaux usées reflète la diversité microbienne présente dans les effluents traités. On y retrouve principalement:
Les eaux usées contiennent naturellement de nombreuses bactéries à Gram négatif. Parmi les espèces fréquemment identifiées dans les bioaérosols des CTEU, on retrouve:
Les concentrations de bactéries cultivables varient considérablement selon les études, principalement en raison des différences technologiques entre les installations, des caractéristiques des effluents traités, des conditions climatiques et des techniques d'échantillonnage.
Les recherches récentes utilisant des techniques de biologie moléculaire ont permis d'identifier plusieurs virus pathogènes dans les bioaérosols des CTEU:
Les endotoxines, composants de la membrane externe des bactéries à Gram négatif, sont également présentes en quantités significatives dans les bioaérosols des CTEU. Leur concentration constitue un indicateur important puisqu'elle est associée à divers effets sur la santé, notamment respiratoires et inflammatoires.
L'exposition aux bioaérosols dans les CTEU peut survenir par différentes voies:
L'intensité de l'exposition varie selon plusieurs facteurs:
Les effets sur la santé liés à l'exposition aux bioaérosols dans les CTEU sont variés et peuvent être regroupés en deux grandes catégories:
Les travailleurs des CTEU présentent une fréquence plus élevée de symptômes respiratoires:
Des études ont même démontré une réduction du volume expiratoire maximal à la première seconde (VEMS) et du débit expiratoire de pointe (DEP) chez ces travailleurs, suggérant une atteinte pulmonaire de type obstructif potentiellement liée à l'exposition aux endotoxines et autres agents microbiens.
L'exposition prolongée aux bioaérosols peut également entraîner une sensibilisation et le développement de maladies professionnelles comme l'alvéolite allergique extrinsèque (AAE), l'asthme ou le syndrome toxique d'exposition aux poussières organiques (STEPO).
Les données épidémiologiques révèlent une augmentation significative des symptômes gastro-intestinaux chez les travailleurs des CTEU par rapport à la population générale:
Une étude danoise a notamment rapporté une augmentation de 37% des symptômes aigus de gastroentérite chez ces travailleurs. Ces symptômes pourraient être liés à l'exposition aux endotoxines (particulièrement à des concentrations supérieures à 50 UE/m³) ou à la présence de virus entériques dans les bioaérosols.
Le "syndrome de l'égoutier" regroupe plusieurs symptômes récurrents fréquemment observés chez les travailleurs des CTEU:
La littérature scientifique n'établit pas clairement si ces symptômes sont directement liés aux endotoxines ou à d'autres agents biologiques présents dans les bioaérosols.
Au-delà des symptômes cliniques, des modifications biologiques ont été documentées chez les travailleurs exposés:
L'absence de normes universelles d'exposition aux bioaérosols complique l'évaluation des risques et l'établissement de mesures préventives adaptées. Plusieurs approches sont utilisées pour surveiller l'exposition:
Les recherches récentes montrent également que la mesure des bactéries totales par qPCR pourrait constituer un biomarqueur fiable pour la surveillance de l'exposition professionnelle, présentant d'excellentes corrélations avec les concentrations d'endotoxines. Parmi les virus pathogènes, l'adénovirus apparaît comme un potentiel biomarqueur d'exposition virale, étant corrélé aux bactéries totales et aux endotoxines.
Pour réduire l'exposition aux bioaérosols dans les CTEU, plusieurs stratégies peuvent être mises en œuvre:
L'exposition aux bioaérosols dans les centres de traitement des eaux usées constitue un risque professionnel significatif mais encore insuffisamment caractérisé. Les données disponibles suggèrent une augmentation des troubles respiratoires et gastro-intestinaux chez les travailleurs exposés, ainsi que diverses manifestations regroupées sous le terme "syndrome de l'égoutier".
L'utilisation combinée de méthodes traditionnelles et de techniques moléculaires modernes a permis d'améliorer notre compréhension de la composition des bioaérosols dans ces environnements et d'identifier de potentiels biomarqueurs d'exposition. Néanmoins, l'établissement de normes d'exposition et de protocoles standardisés demeure un défi majeur.
Dans l'attente de recommandations plus précises, la mise en œuvre de mesures préventives simples comme le port d'équipements de protection individuelle et l'optimisation des systèmes de ventilation reste essentielle pour protéger la santé des travailleurs œuvrant dans ce secteur crucial pour la santé publique et environnementale.
Les bioaérosols des CTEU contiennent une diversité d'agents biologiques incluant des bactéries à Gram négatif comme E. coli, Aeromonas hydrophila, Klebsiella spp. et Pseudomonas aeruginosa, des virus (adénovirus, norovirus) et des endotoxines. La concentration de ces agents varie selon les étapes du traitement, les caractéristiques de l'effluent et les conditions environnementales.
Le "syndrome de l'égoutier" se caractérise par des symptômes récurrents tels que maux de tête, fatigues et faiblesses inexpliquées, et épisodes fébriles. Ce syndrome s'accompagne souvent d'une augmentation des troubles respiratoires (congestion nasale, expectorations) et gastro-intestinaux (nausées, douleurs abdominales, diarrhées).
Il n'existe pas de norme universelle d'exposition aux bioaérosols. La seule recommandation internationale largement adoptée concerne les endotoxines, avec un seuil de 90 UE/m³. Des recommandations existent pour les bactéries cultivables (10⁴ UFC/m³) et les bactéries à Gram négatif (10³ UFC/m³), mais des recherches récentes suggèrent que ces seuils pourraient être trop élevés.
Les mesures de protection comprennent le port de masques respiratoires de type N95, l'application rigoureuse des mesures d'hygiène personnelle, le confinement et l'extraction d'air à la source au niveau des zones à haut risque (dessablage, décantation, dégrillage), ainsi qu'une ventilation adéquate des installations. Un suivi médical régulier est également recommandé.
L'exposition prolongée aux bioaérosols peut effectivement conduire au développement de maladies professionnelles comme l'alvéolite allergique extrinsèque, l'asthme ou le syndrome toxique d'exposition aux poussières organiques. Des études ont également démontré une atteinte de la fonction pulmonaire chez les travailleurs exposés, suggérant la possibilité de troubles respiratoires chroniques.
Source :
https://pharesst.irsst.qc.ca/cgi/viewcontent.cgi?article=1089&context=rapports-scientifique
https://aaa.public.lu/dam-assets/fr/publication/brochures/recommandations-chap-15/chapitre-15-fr.pdf